RMA Antilles – Le Son des îles
Actualité & Mémoire historique
today22/08/2025 3 1
Retour sur des épisodes tragiques de l’histoire martiniquaise où des vies ont été fauchées dans un contexte de tensions sociales, d’inégalités économiques et de domination étatique. Entre 1900 et 2025, plusieurs événements sanglants rappellent que l’histoire de la Martinique reste marquée par des conflits sociaux étouffés par la force faisant partie de leur ADN.
Au début du XXᵉ siècle, la Martinique est encore une colonie marquée par l’héritage esclavagiste : la terre est détenue par une minorité de familles békés tandis que la population majoritaire vit dans la pauvreté.
1946 : la départementalisation, obtenue grâce à Aimé Césaire, promet égalité et modernité mais ne change pas les rapports de domination sociale et raciale.
Années 1950–1960 : la répression s’accentue contre les mouvements ouvriers et indépendantistes.
Années 1970–1980 : montée des luttes nationalistes, notamment avec l’OJAM et le GRS, souvent criminalisées par l’État français.
Années 2000–2025 : la mémoire des répressions coloniales refait surface, avec les revendications pour la reconnaissance des crimes d’État et des réparations liées à l’esclavage, au chlordécone et aux assassinats politiques.
Le 12 janvier 1934, André Aliker est retrouvé mort, ligoté et bâillonné sur une plage de Case-Pilote. Il venait de révéler dans le journal Justice un scandale financier impliquant un riche béké du lamentin, dont âme de celui ci ne trouve toujours pas de repos selon les rumeurs qui circulent sur l’île.
Son assassinat est resté impuni et etouffé par la justice, mais il symbolise la lutte contre la corruption et la collusion entre colons et institutions françaises.
En septembre 1948, l’administrateur blanc Guy de Fabrique Saint-Tours est tué lors d’une grève sur l’habitation Leyritz. Seize ouvriers agricoles, pour la plupart syndiqués, sont arrêtés et accusés.
Voici la liste des 16 de Basse-Pointe, les ouvriers agricoles accusés à tort en 1948 du meurtre de l’administrateur béké Guy de Fabrique Saint-Tours :
Pierre Alidor
Eustase Arnaud
Isidore Arnaud
Jean Baptistine
René Benjamin
Charles Caupain
Emmanuel Deproge
Georges Dufond
Eugène Ferdinand
Marius Ferdinand
Philémon Ferdinand
Sylvère Ferdinand
Amédée Hélène
Marius Lubin
Élie Manville
Louis Trolia
Grâce à une mobilisation militante et à la solidarité internationale.Le procès, déplacé pour éviter une solidarité locale trop forte, devient un symbole. Après trois ans de détention préventive, les seize ouvriers sont acquittés en 1951.
Cet épisode illustre la criminalisation des mouvements ouvriers par l’État.
Les 20–22 décembre 1959, Fort-de-France s’embrase. Un simple accident de circulation entre un Martiniquais noir et un métropolitain blanc déclenche un soulèvement populaire. Les forces de l’ordre tirent à balles réelles :
Julien Betzi (19 ans),
Edmond Éloi, dit Rosile (20 ans),
Christian Marajo (15 ans)
sont tués.
Ces émeutes, largement réprimées, marquent l’éveil d’une conscience politique anticoloniale plus radicale.
Le 24 mars 1961, au cœur d’une grève agricole, des gardes mobiles ouvrent le feu sur des ouvriers et villageois. Trois civils meurent :
Suzanne Marie-Calixte, couturière,
Alexandre Laurencine, ouvrier agricole,
Édouard Valide, ouvrier agricole.
Le maire communiste Georges Gratiant prononce son fameux discours des trois tombes, dénonçant une répression coloniale aveugle. Cet événement cristallise les luttes ouvrières et nationalistes.
La montée du mouvement indépendantiste se heurte à une surveillance policière et judiciaire étroite.
1974 : l’OJAM (Organisation de la Jeunesse Anticolonialiste de la Martinique) est poursuivie comme mouvement séparatiste, ses membres emprisonnés.
Années 1980 : plusieurs attentats et assassinats, dont celui de militants nationalistes, ne sont jamais complètement élucidés, renforçant le sentiment d’une répression silencieuse.
En février-mars 2009, un vaste mouvement social secoue la Martinique et la Guadeloupe. Menée par le collectif Lyannaj Kont Pwofitasyon (LKP) en Guadeloupe et soutenue en Martinique par de nombreuses organisations, cette grève dénonce :
la vie chère,
les monopoles des grandes familles békés,
l’injustice sociale héritée de l’histoire coloniale.
La mobilisation dure plus d’un mois et paralyse l’île. La répression policière est moins sanglante que par le passé, mais arrestations et violences rappellent que l’État traite toujours ces luttes sociales comme des menaces.
Les années 2020 sont aussi marquées par des drames.
Klodo, militant populaire, est retrouvé assassiné dans un contexte de tensions sociales. Beaucoup y voient la trace d’une violence politique ciblée, restée sans justice.
Kesya, jeune victime d’une répression policière brutale, symbolise la continuité des violences d’État et de la non-reconnaissance des droits fondamentaux en Martinique.
Leur mémoire rejoint celle des victimes passées (Aliker, les 16 de Basse-Pointe, les jeunes de 1959, les ouvriers du Lamentin), inscrivant la Martinique dans une longue histoire de sang, de résistance et de silence imposé.
En 2024, un nouveau collectif émerge : le RRPRAC (Réseau de Résistance Populaire contre la Répression, l’Austérité et la Cherté de la vie). Héritier de l’esprit de 2009, il dénonce :
la hausse continue des prix,
l’absence de réponses politiques,
la judiciarisation des luttes sociales, avec militants et syndicalistes régulièrement poursuivis devant les tribunaux.
Ces pratiques rappellent les années 1970 à 1980 où l’État français criminalisait déjà les mouvements indépendantistes.De nos jours leur fonctionnement est toujours actualité en 2025.
De 1934 à 2025, les répressions d’État en Martinique prennent différentes formes :
assassinats de militants,
tirs sur des manifestants,
procès politiques,
judiciarisation des luttes sociales.
Des champs de canne ensanglantés en 1961 aux marches contre la vie chère en 2024, le fil rouge reste le même : un peuple qui lutte pour sa dignité et un État qui répond par la répression,le plomb et le sang.
Aujourd’hui, la mémoire d’Aliker, des victimes de 1959, du Lamentin, mais aussi de Klodo et Kesya, alimente la quête de justice, réparations et reconnaissance.
Ces tragédies marquent l’histoire de la Martinique. Elles révèlent la continuité d’un système colonial : de l’assassinat de militants aux procès truqués, en passant par la répression des ouvriers et des grévistes.
Aujourd’hui encore, la mémoire collective réclame justice, reconnaissance et réparations. Les témoignages d’anciens grévistes, les images d’archives et la parole des jeunes générations inscrivent cette histoire dans un combat toujours actuel : celui d’un peuple en quête de dignité face aux violences d’État.
Par Kambutcha Magazine
Écrit par: Paul Julio
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