RMA Antilles – Le Son des îles
Pendant plus de trois siècles, les peuples africains déportés dans les plantations des Amériques ont été soumis à une violence sans nom : déshumanisation, exploitation, effacement culturel… Et dans ce système d’oppression organisé, un livre a joué un rôle central : la Bible. Un paradoxe glaçant, quand on pense que ce livre, censé apporter l’amour et la liberté spirituelle, a souvent été utilisé pour légitimer l’esclavage et maintenir les esprits enchaînés jusqu’a ce jour.
L’Afrique précoloniale connaissait une richesse spirituelle immense : religions traditionnelles, cultes animistes, systèmes de valeurs complexes. Mais ces croyances ont été diabolisées, interdites, remplacées par le christianisme. L’esclave n’a pas « rencontré » Jésus : on le lui a imposé par la force, par le fouet, par l’humiliation.
Les colons, souvent animés d’un « zèle missionnaire », ont jugé que le salut de l’âme noire passait par son baptême. Pas pour l’émanciper, mais pour lui inculquer l’idée qu’il devait obéir, souffrir en silence, et espérer une récompense après la mort. En d’autres termes : accepte ta condition ici-bas, Dieu s’occupera de toi là-haut. C’est ainsi que des passages bibliques comme « Serviteurs, obéissez à vos maîtres selon la chair… » (Éphésiens 6:5) ont été cités dans les plantations pour justifier l’injustifiable.
Il ne s’agit pas ici de condamner tous les chrétiens ni la foi en tant que telle. Mais il faut reconnaître que la lecture coloniale de la Bible a servi d’arme idéologique, plus efficace parfois que la chaîne ou le fouet. La parole divine devenait un mur invisible, plus puissant qu’un cachot.
L’idée que Jésus revient « bientôt » devenait une promesse éternellement repoussée, un « espwa san dat », maintenant les opprimés dans une posture d’attente. Et cette attente, elle dure encore. Plus de 2000 ans qu’on parle du retour de Jésus. Plus de 2000 ans qu’on attend un « royaume de justice » pendant que les injustices sont bien concrètes, elles, perdurent de siècle en siècle,de génération en génération .’Ils continuent a espérer une intervention Divine sans s’aider sois même, le colons continuent ces mèfaits sans se soucier des écrits dont ils utisent pour assoir ces desseins machiavélique envers les autres peuples.
Aux Antilles, beaucoup d’églises (pas toutes, mais beaucoup) ont perpétué une vision conservatrice, patriarcale, et docile de la vie chrétienne. Elles ont trop souvent reproduit les schémas de domination hérités du colonialisme, en interdisant aux fidèles de questionner, de douter, de penser autrement.
On leur a appris à dire « Amen » à tout, à ne pas « jouer avec la foi », à voir la science comme une menace, et à refuser toute remise en question. Résultat : dans certaines familles, penser par soi-même devient un péché, et remettre en cause la parole du pasteur est vu comme une attaque contre Dieu lui-même.
Heureusement, cette vision n’est pas la seule. Il y a eu, dès l’époque de l’esclavage, des formes de résistance spirituelle. Le syncrétisme religieux (mélange entre christianisme et croyances africaines) a permis aux esclaves de reprendre une part de pouvoir spirituel, de réinterpréter les figures bibliques (Moïse devenant un symbole de libération, par exemple), et de conserver une identité enracinée.
Aujourd’hui encore, nombreux sont les croyants conscients et engagés, qui vivent leur foi comme une force d’émancipation. Mais cela ne doit pas nous empêcher de poser la question qui dérange : la religion, dans sa version dominante, est-elle un outil de libération ou un instrument de contrôle ?
Il n’est pas interdit de croire. Ce qui est dangereux, c’est de croire sans comprendre, sans questionner, sans réfléchir. L’esclavage mental continue quand on ferme les yeux sur les incohérences, quand on accepte des discours tout faits, quand on méprise la science et la pensée critique.
Aujourd’hui, ce n’est plus le maître blanc qui tient le fouet, mais parfois le pasteur ou le prédicateur qui dicte ce qu’on doit penser, aimer, rejeter ou espérer. Nous devons libérer nos esprits autant que nos corps. Et cela passe par l’éducation, la connaissance historique, la pensée critique, et la réappropriation de notre spiritualité.
La phrase créole « Sé parol colon ki déviné évangile » résume bien cette réalité : trop souvent, l’évangile transmis aux peuples colonisés n’était qu’un déguisement de l’idéologie coloniale. Il est temps d’ouvrir les yeux, d’oser la réflexion, et de sortir du cycle de la soumission mentale.
Croire peut être un choix. Mais encore faut-il que ce soit un choix libre, éclairé, et décolonisé.
Par Kambutcha Magazine
Écrit par: Paul Julio
bible colonisation Esclavage Reflexion
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