Transport en Martinique : le scandale qui ne dit pas son nom.

En Martinique, la mobilité reste un défi quotidien pour une grande partie de la population. Le réseau de bus et de transport maritime, géré par l’autorité unique Martinique Transport depuis 2016, peine à remplir sa mission de service public.

Selon les derniers chiffres communiqués lors d’une réunion plénière de la CTM en 2024, seuls 55 % des bus prévus circulent réellement aux heures de pointe. Du côté du maritime, les navettes Fort-de-France / Trois-Îlets / Case-Pilote affichent régulièrement des annulations de dernière minute, souvent faute de personnel ou en raison de problèmes techniques.

« On ne sait jamais si on pourra arriver à l’heure au travail », confie Mélissa, 28 ans, employée dans un centre commercial de Génipa. « Quand le bus ne passe pas, je dois payer un taxi collectif à 8 euros l’aller, c’est intenable. »

Le silence complice  face à l’échec du transport en Martinique ,est ce une   volonté de faire que cette situation soit profitable à qui ? par la vente de véhicules !!! ….

Ce dysfonctionnement chronique contribue également à la saturation routière : la Martinique compte environ 220 000 véhicules pour 360 000 habitants pour une petite île, un des taux de motorisation les plus élevés de France.

À quand la dénonciation claire et assumée de ce naufrage collectif ? Comment expliquer qu’une structure comme Martinique Transport, censée piloter et rationaliser le système, ait transformé son incapacité en une forme de norme ? On parle d’incompétence, mais cette incompétence, loin d’être sanctionnée, est tolérée, institutionnalisée, presque érigée en vertu.

Pierre  de F de F
« J’attends le bus tous les matins à 6h30. Il n’arrive jamais à l’heure, parfois il ne passe même pas. Résultat : je perds des heures de travail et mon employeur commence à s’impatienter.

Le poids du cumul des mandats à la CTM

Les critiques se concentrent sur la structure Martinique Transport, accusée d’inefficacité. Malgré un budget annuel de plus de 100 millions d’euros, la qualité du service reste très en-deçà des attentes.

« Il y a un vrai problème de gouvernance », estime un syndicaliste du secteur, qui préfère garder l’anonymat. « Les décisions sont prises sans concertation avec les chauffeurs ni les usagers. Résultat : des lignes mal adaptées, des horaires impossibles à tenir, et une absence totale de contrôle qualité. »

Par ailleurs, certains observateurs dénoncent le cumul des mandats au sein de la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM), qui brouillerait les responsabilités. Plusieurs élus siègent à la fois dans des commissions stratégiques et au conseil d’administration de Martinique Transport, ce qui interroge sur l’indépendance des décisions.

Des conséquences sociales et économiques lourdes

Le dysfonctionnement du transport public n’est pas une simple question de confort. Il touche les étudiants, les travailleurs précaires, les personnes âgées, et tous ceux qui dépendent de ce service pour leurs déplacements quotidiens.

Christine étudiante de St Joseph
« Avec les retards de bus, je rate souvent mes cours à l’université. On nous dit d’être sérieux, mais comment faire quand on n’a même pas un transport fiable ? »

La faiblesse du réseau de transport n’est pas sans conséquences. D’après une enquête réalisée par l’Observatoire des mobilités de Martinique en 2023, près de 40 % des étudiants déclarent avoir déjà manqué des cours à cause d’un bus ou d’une navette annulée.
Pour les travailleurs, le problème est tout aussi criant : « Je perds au moins une heure par jour dans les transports, quand ils fonctionnent », déplore Jean-Marc, agent de sécurité. « Sans voiture personnelle, impossible de tenir. »

Cette problématique contribue à l’exclusion sociale, à l’isolement des quartiers périphériques et à la dépendance accrue à la voiture individuelle. Résultat : embouteillages, pollution, augmentation du coût de la vie et fracture sociale toujours plus profonde.

Une urgence citoyenne

La véritable question est donc : jusqu’à quand ? Jusqu’à quand tolérer un système où l’inefficacité est banalisée ? Jusqu’à quand accepter que l’argent public finance un service défaillant, sans comptes clairs ni sanctions pour ceux qui échouent à leur mission ?

Denise d’une retraitée de Riviere Salée
« Je n’ai pas de voiture. Sans bus régulier, je reste coincée chez moi. On parle de lien social, mais comment garder du lien quand on ne peut même pas se déplacer ? »

La Martinique mérite un transport public digne, moderne, accessible, coordonné. La société civile, les associations, les usagers, mais aussi les médias, doivent porter ce débat au premier plan. Car l’immobilisme d’aujourd’hui hypothèque la mobilité de demain.

Quelles solutions pour la CTM ?

Face à la grogne, la CTM assure travailler sur une réorganisation complète du réseau. Un plan de renouvellement de la flotte de bus a été annoncé pour 2026, ainsi qu’une meilleure coordination avec les taxis collectifs. Mais les usagers restent sceptiques.

« Cela fait des années qu’on nous promet un vrai transport public », soupire Mélissa. « On attend toujours. »