Que sont devenues les plantes d’antan en Martinique ?

Martinique, riche d’une flore tropicale exceptionnelle mêlant espèces indigènes, africaines, amérindiennes et créoles, était autrefois un véritable jardin de savoirs vivants.

Mais aujourd’hui, qu’en reste-t-il vraiment ?

Une flore nourricière et médicinale mise de côté.
Autrefois omniprésentes dans les jardins créoles ou les mornes, les plantes comme :

• Zépis (épices locales),
• Feuille mal-tête, dou van, herbe à pic,
• Gwo thym, bois d’Inde, gwo zèb,
• ou encore zèb à pik, liane fran, lèspas,

étaient des trésors thérapeutiques du quotidien. Les grand-mères savaient exactement quelle tisane préparer selon le mal, et les « doktè fey » avaient des recettes précieuses transmises oralement.

Aujourd’hui, l’usage de ces plantes recule fortement, au profit des médicaments industriels. Les jeunes générations ignorent souvent jusqu’à leurs noms.

Des jardins créoles en déclin.
Le « jaden kréyol », ce jardin autour de la maison où cohabitaient :

• légumes vivriers (igname, dachines, pois d’Angole),
• plantes aromatiques et médicinales,
• arbres fruitiers (goyavier, corossol, prune mombin),
• et parfois fleurs à vertus (fleur soleil, hibiscus rouge),

était un espace d’autonomie, d’harmonie et de transmission.

Aujourd’hui, avec la perte des terres, l’urbanisation, et les modes de vie modernes, ces jardins sont souvent remplacés par du béton, du gazon ou des parkings. On cultive moins, on achète plus.

Menace sur la biodiversité locale
Plusieurs espèces locales ou introduites se raréfient :

• Le bois rivière, utilisé pour l’artisanat ou la médecine,
• Le moutouchi (toxique, mais traditionnellement utilisé),
• Les orchidées sauvages et certaines fougères endémiques.

De plus, les changements climatiques et la pollution (notamment au chlordécone) affectent les sols, les cours d’eau et la reproduction des plantes.

Mais une prise de conscience renaît
Malgré ces constats, un mouvement de réappropriation est en cours :

• De plus en plus d’associations et de jardins communautaires valorisent les plantes oubliées.
• Des écoles réintroduisent les projets pédagogiques autour du jardin créole.
• Des herboristes, naturopathes ou jeunes agriculteurs veulent réconcilier modernité et tradition.
• Et la pharmacopée créole suscite un regain d’intérêt chez les scientifiques, les thérapeutes, mais aussi… les influenceurs !

« Nou pa ka jété sa ki té ka ni valè avan. Sa sé zèb la vi nou. »
(On ne jette pas ce qui avait de la valeur autrefois. Ce sont les plantes de notre vie.)

Des savoirs à préserver d’urgence
L’UNESCO reconnaît la biodiversité comme un patrimoine immatériel. Et en Martinique, cette biodiversité est indissociable des savoirs créoles, transmis par les anciens :
des recettes de sirops, des bains de feuille, des macérations à l’alcool de canne, des décoctions puissantes.

Mais si les porteurs de tradition disparaissent sans transmettre, ces connaissances risquent de sombrer dans l’oubli.

Entre oubli et renaissance.
Les plantes d’antan en Martinique ne demandent qu’à revivre entre nos mains. Leur abandon est le reflet d’une société qui s’est éloignée de ses racines. Mais leur redécouverte est aussi une clé d’avenir : pour la santé, l’autonomie alimentaire, et l’identité culturelle.

Et si on recommençait à cultiver le savoir dans nos jardins ?

Par Kambutcha Magazine