Decouverte : d’Anie Alerte

Après une belle introduction poétique, où chaque mot porte ses remontrances sur sa tête et ses deux bras de cygne, nous découvrons une île musicale au cœur d’un voyage festif. Pour un cœur humain qui dit « assez », le voyage que nous offre le dernier album d’Anie Alerte vaut bien plus qu’une manne. Nous allons jeter un coup d’œil rapide aux 12 morceaux, de « Leave me alone » à « Pou ambasadè yo ». Il faut dire que dès le morceau qui annonce l’album, nous voyons clairement que nous avons affaire à un album qui confirme la maturité d’Anie Alerte dans le timbre vocal, le choix thématique et l’orientation vers une expression textuelle profonde.

Il y a quelques jours, je n’ai pas été là pour suivre l’industrie, entre ce qui sort et ce qui touche ma sensibilité. Aujourd’hui, nous allons voir ensemble ce qu’il y a sur l’île à savourer et à dénigrer si nécessaire. Pour ceux qui me lisent peu, je rappelle que, par respect pour le degré d’appréciation de chacun pour chaque morceau, je parlerai toujours à la première personne pour avancer une idée subjective (opinion ou observation). Quant au processus de construction des textes, je me réfère toujours aux normes de création, notamment au niveau du langage poétique, de l’harmonisation des mots et des sons, et de la pertinence des compositions.

Si Anie avait autrefois pleuré la douleur qu’elle avait endurée, après avoir eu le cœur brisé, aujourd’hui, d’une voix ferme, elle disait : « Laissez-moi tranquille. » Aujourd’hui, notre société considère une personne qui n’a pas peur de se défendre comme quelqu’un qui aura toujours quelqu’un pour la soutenir ou qui s’intéresse à elle simplement parce qu’elle n’est pas désespérée.

Puis, au cours du voyage, nous sommes tombés sur « Pa orangsat w », une chanson pour rassurer nos partenaires. Symbole de soumission et d’amour, une vague de gratitude mêlée à une promesse d’éternité. Cette chanson est une boule de joie, elle roule comme la ceinture de Shakira. « Difisil » est une voix d’or pour les cœurs brisés. Cette chanson est une référence pour ceux qui cherchent à se plaindre et à acheter gratuitement. Je ne veux pas oublier de vous dire que, vu la façon dont cette chanson fonctionne, on pourrait croire qu’il s’agit d’Harmonik. Les touches, le style sonore… enfin. Troisièmement, on retrouve « Dënye pereimë » en featuring avec Toby Anbake. Zile lance un débat qui a déjà eu lieu avec plusieurs artistes tels que Baky, Roody Roodboy et Zafëm, respectivement dans des morceaux comme Zanj, douspou dous et Abracadabra. Dans une volonté de sacraliser ou de déifier nos partenaires, les artistes ne cessent de poser cette question de diverses manières. Mais attention aux clichés ! Nous en parlerons dans un autre article. Pour Zile, il y a deux questions qu’on peut poser pour dire à quelqu’un qu’il est un ange : « Dis-moi ce qui t’a créé ? / À quoi ressemble le paradis ? » Et il y a ces petits passages du refrain qui ne nous laisseront pas indifférents : « Tu es le dernier dans mon cœur / Dans ma vie, tu es le premier. » Je ne vous le cacherai pas, quand j’entends parler de cet artiste, c’est le style de musique qui me vient en tête en premier. Bref, laissez libre cours à votre imagination ! Toby interprète avec tact et bon sens, ce morceau est une réussite pour moi.

« Lavi » est une chanson qui ouvre la voie à de nombreuses personnes qui résistent à la vie. Cette chanson, à la structure poétique, aborde un magnifique chant lexical qui évoque le temps et le cosmos, et s’accompagne de plusieurs proverbes créoles pour motiver les autres. Chaque chanson apporte sa touche personnelle. « Damou ankô » avec Anthony Drew ne nous laisse pas le temps d’en dire du mal. La base musicale est douce et tendre. Si vous partagez cette chanson avec l’être aimé, la tension amoureuse devrait atteindre son paroxysme sur l’accord de guitare. Il y a ensuite « Jistis », la plainte de toutes les femmes condamnées à des relations où elles sont maltraitées. Cette revendication trouve la complicité de Misty Jean. « Libere » est pour moi la continuation de la chanson précédente, où l’artiste abandonne le processus de demande de justice pour entrer dans une réflexion sur les raisons pour lesquelles il vit encore, le sabot tonitruant. La chanson « Trayizon » est également complétée par ces deux chansons pour enchaîner un processus intertextuel et exprimer la même situation. « Nostalji » est la chanson la plus importante qu’Anie chante sur l’album. Excusez-moi si vous ne la voyez pas de cette façon, mais c’est une opinion personnelle. Attention ! Ce n’est pas parce que c’est une chanson jazz blues que je la vois ainsi, mais c’est l’effort et le professionnalisme qu’un artiste exige pour produire une chanson qu’il ne connaît pas. Anie m’a fait découvrir l’univers de Nina Simone, Emeline Michel, Ray Charles, Sarah Vaughan, Ella Fritzgerald et bien d’autres voix magnifiques. Les instrumentistes assurent le succès de la musique. Sinon, je voudrais demander au maestro de l’Île : combien devrais-je donner pour obtenir un peu de cuivre sur cette musique ?

Les artistes chantent depuis longtemps pour le bonheur des mères. Parmi eux, on se souvient de « Jean Gardy Lubin » qui a interprété « Pit fi m ». Anie nous propose « Maman ». Une proposition qui, je crois, plaira à de nombreuses mères. Des mères fières de donner la vie. Logiquement, Anie comprend que leurs enfants ne sont pas les seuls à être fiers d’avoir des parents, mais que les parents doivent aussi exprimer leur fierté envers leurs enfants.

Finalement, Anie remercie tous les ambassadeurs de son mouvement « Zile ». Dans ce texte, elle réaffirme sa maturité. Elle dépasse son ego, apprivoise toute fierté qui pourrait la sceller pour remercier tous ceux qui étaient là, pour ce qui lui a été bénéfique comme pour ce qui lui a été néfaste. Cette musique est toujours une proposition extraordinaire. On pourrait dire que c’est du gospel noir américain.

Je remercie Anie pour son courage. Pour le choix qu’elle a fait de faire de la musique pour le plus grand nombre d’Haïtiens. Ces dernières années, certains artistes ont offert tout ce qu’ils pouvaient, et d’autres continuent de s’efforcer de proposer une musique qui touche le cœur et l’âme. Dans cette même chanson, nous saluons les efforts de toutes les autres femmes de ce secteur qui continuent de se battre pour le même combat. Restez fortes, n’abandonnez pas !

Ecrit Par Christ-Falin Oralus